4ème de couverture
42 000 mots

Résumé

C’est la fin des hydrocarbures. Le monde dit arabe implosa en mille et un territoires. Les gouverneurs ont mis les voiles avant l’apocalypse. Seuls les pays possédant l’agriculture et l’artisanat tinrent le coup. L’Algérie en était un, mais on n’avait aucun moyen pour entretenir quoi que ce soit. Des groupes armés la rongeaient de partout. Le comble, on avait fabriqué une arme nucléaire contre le Maroc.

Les Anglais, la bête noire du régime d’Alger, qui surent le projet, envoyèrent une commission internationale à la recherche de l’arme. Pris de panique en haut lieu, on confia la mission au général-major Voularouah pour la cacher dans l’extrême sud. Lors de la réunion pour décider l’itinéraire, le général-major imposa celui Hauts-Plateaux‒Kabylie‒Alger, Alger pour dissimuler son plan diabolique de faire exploser la bombe en Kabylie dont il haïssait à mort les habitants…

Akli N’Zal, chercheur en neurochimie, concocta une lotion contre la paraplégie, et dut se l’inoculer faute de cobayes. Plutôt que de marcher, à la première tension extrême, il se mua en Zorane, une créature aux apparences terrifiantes, mais une créature avec l’esprit moderne et humaniste du neurochimiste.


Prologue

Les murs du mess des officiers de la caserne frontalière, dans le sud algérien, étaient recouverts avec du papier peint de grande qualité et parsemés de tableaux paysagistes et de cadres dorés de versets du Coran. Une grande table regorgeait de hors-d’œuvre variés, de gâteaux, de fruits exotiques et de quartiers de rôti d’agneau, de tranches d’escargot, de filets de veau et de caviar. Les boissons sans alcool, de marque étrangère, s’alignaient entre les mets. Cela vaut de quoi nourrir la population de tout un immeuble.

Deux climatiseurs silencieux y menaient un train d’enfer. Il faisait près de cinquante degrés à l’ombre malgré le printemps qui, certes, ne durait pas plus de trois semaines dans cette région. Des fenêtres, on distinguait une mer de sable s’étaler à perte de vue, dont la couleur jaune qui irritait l’autochtone envoûtait le touriste.

Le major Voularouah, un général-major, et onze généraux décideraient de l’avenir d’une bombe nucléaire, la première du pays. Ils étaient le dernier groupe de généraux décideurs parmi la douzaine qui avait échappé à l’assassinat de leurs congénères, par l’organisation qu’on appelait les Justiciers du Peuple.

Les militaires et les politiques ainsi que leur progéniture, liquidés par cette organisation secrète, étaient à majorité des Kabyles et des « berbérophiles ». Comme la Kabylie suscitait de l’admiration dans le reste du pays et dans toute l’Afrique du Nord restée berbère, et éveillait chez les aliénés leur origine berbère, on craignait que le pouvoir leur revienne un jour. La quasi-majorité sinon tous les officiers supérieurs et les responsables civils détestaient la Kabylie pour sa nature frondeuse, son refus de l’arabisme et de l’islam politique, surtout pour sa fierté et sa jalousie de ses ancêtres les Berbères.

Dans ces conditions, on ne pouvait leur permettre de gouverner. Seulement, leur haine ne s’arrêtait pas au simple racisme contre tous les Kabyles, sans exception, mais, aussi et surtout, on voulait exterminer la population entière de cette région, leur seule garantie que le pouvoir ne tomberait jamais entre leurs mains.

Vêtus en civil pour ne pas attirer l’attention, les généraux firent une entrée bruyante dans le mess. Ils se mirent tout de suite à se remplir la panse. On mangeait comme des porcs, avec grand bruit. Ils engloutirent plus de la moitié de la table. Seul le général-major Indem ne toucha à rien, ce qui ne gêna pas les autres. Il soupçonnait son homologue Voularouah, le chef du groupe, de vouloir assouvir sa haine des Kabyles. Le major Voularouah traitait ouvertement les Kabyles de mécréants, de juifs et de chrétiens à exterminer.

Après avoir rempli leurs gigantesques ventres, on poussa des rots et fuma le cigare à la manière des faucons de la CIA. Puis on entra dans un bureau mitoyen et prit place autour d’une table ronde. Le major Indem exprima immédiatement sa proposition :

— On acheminera la bombe vers Reggane, la zone d’expérimentation de la bombe atomique française, pendant la guerre et après l’Indépendance. Il n’y a pas de danger dans cette région. On ne risque même pas d’être pris.

Le major Voularouah, ancien commandant-chef du service d’espionnage, qui avait fait ses armes dans la répression du peuple, se tint à l’itinéraire Hauts-Plateaux–Kabylie–Alger :

— La capitale est la meilleure cache et c’est un ordre d’en haut, argua-t-il.

— Si la bombe explose même en Kabylie, la capitale, région très peuplée, en pâtira aussi, rétorqua le major Indem. On risque d’être arrêtés et jugés. Pourquoi ne pas contourner l’Est ou l’Ouest des itinéraires presque inhabités ?

— Le mien est le plus court et le plus sûr.

— Là, tu te contredis, major. Le chemin le plus court est justement le moins sûr, dit-on, que tu ne cessais de répéter.

Il ne doutait plus qu’en cas de risque et même sans risque, le major Voularouah fasse exploser la bombe quitte à y laisser la peau.

— Mon Dieu ! s’exclama le major Voularouah. Pour nous tenir tête, cette créature, dont ont parlé ces crétins de journalistes et ton sbire en asile psychiatrique, a opéré sur toi un grand changement. Désormais, tu n’es plus digne de ma confiance.